Statu quo après l'inauguration du TER à Bedous pour le Pau-Canfranc
Ter vs tunnel
Les instances aragonaises et aquitaines ont inauguré l’été 2016 le retour du TER à Bedous. Ce qui fut en soi une bonne nouvelle. Une inauguration qui, pour tous les défenseurs du train en vallée d’Aspe (interview de David Grosclaude en oc), représentait une victoire acquise sur le terrain de la contestation, notamment avec la lutte fratricide des pros et des anti tunnel du Somport, inauguré quand à lui en 2003.
La gare de Bedous était redevenue le symbole fort du transport de voyageurs en vallée d’Aspe et effaçait d’un coup trente années de lutte éprouvante. Cet optimisme revigoré donna une nouvelle dimension à l’extension de la ligne vers Canfranc et Saragosse. Une partie d’échecs, menée à la fois avec patience et obstination par le chef de région Alain Rousset. Les premiers chiffres furent flatteurs, au moins dans sa première phase estivale, et donnèrent raison à ce projet à priori fantasque et irréaliste. Une fréquentation journalière de plus de 200 personnes, c’était inespéré.
De quoi contester la finalité du tunnel routier du Somport, pas sûr !
Véritable cauchemar pour les ministres des transports successifs, qu’ils soient espagnols ou français, il aura fallut quinze années de travaux pour que le tunnel voir le jour des deux côtés de la vallée. Pour un coût total de 80,5 millions pour la France et 160 millions d’euros pour l’Espagne. Souvent fermé en hiver, ce qui est un paradoxe pour un tunnel de montagne, car à partir du village d’Urdos la route est trop enneigée, l’aménagement de la N134 prévu initialement pour les camions en transit ne cesse d’être retardé. Il faut ouvrir les journaux locaux pour compter le nombre d’accidents dû à la vétusté et à la dangerosité de certains passages. Une pensée unique du tout voiture qui aurait pu définitivement enterrer le projet du TER Pau-Canfranc. Mais la lenteur des aménagements de la N134 entre Urdos et Bedous, ont peut-être involontairement redistribuer les cartes du transport de voyageurs et de marchandises à travers les Pyrénées.
Pour comprendre cette nouvelle perspective , il faut d’abord tenter d’analyser les infrastructures logistiques des transports du XXème et de ce début du XXIème siècle au niveau pyrénéen, mais aussi européen.
Commençons tout d’abord par localiser le tunnel du Somport et la gare de Canfranc
Perchés tous deux au centre des Pyrénées à plus de 1000 mètres d’altitude, ils sont à cheval sur les deux vallées du Béarn et de l’Aragon. Une situation géographique qui ne permet pas à priori de faciliter les échanges Nord-Sud telles qu’en disposent la Catalogne via La Junquera et le Pays Basque à Biriatou. Pour ajouter à ce constat d’emblée négatif, ni l’Aragon, ni le Béarn ne disposent d’un accès direct à la mer et donc d’un port autonome à dimension européenne, voir mondiale, comme ceux de Bilbao (pdf) et Barcelone. Si le lobby des entreprises et des transporteurs aragonais et béarnais semblent d’un avis commun sur la nécessaire « perméabilité » des Pyrénées, le choix du modèle à suivre entre route et/ou rail paraissait jusqu’à présent plus indécis. L’histoire des transpyrénéens semble être un éternel recommencement. Déjà, Mr Garau, dans un article paru en 1933 dans la revue géographique des Pyrénées et du Sud-ouest contestait l’utilité d’une voie ferrée entre le Béarn et l’Aragon, ces deux régions ne possédant pas de bassins industriels attractifs et puissants comme ceux du Pays Basque et de la Catalogne, alors en plein essor. Pour contredire ce diagnostic négatif et sauver la mise, certains politiques continuent de croire nécessaire la création d’un nouveau tunnel ferroviaire sous le Vignemale, ce qui fait bondir une fois de plus pyrénéistes et écologistes.
Tiraillée entre intérêts politiques locaux et régionaux et les enjeux européens, via l’axe nord-sud E7 (pdf 1€), la connexion des deux vallées semble vouée à un échec permanent. Pour rajouter à la complexité du dossier, que pèse le poids de la vallée d’Aspe, suspendue à des décisions bureaucratiques inféodées à la croissance démographique des grandes métropoles que sont maintenant Bilbao, Bordeaux, Barcelone et Saragosse et à la logique des flux de marchandises Nord-Sud. Une chose est sûre, outre la volonté historique de percer les Pyrénées, l’enjeu des deux entités béarnaise et aragonaise est bien d’exister « logistiquement » aux côtés des ogres basque et catalan. Car, il faut se rendre à l’évidence, un conteneur chinois préférera débarquer sa marchandise au port de Barcelone, et un conteneur britannique ou scandinave ira au port de Bilbao…la géographie maritime est ainsi faite. La réponse viendra peut-être du projet multimodal Plaza de Saragosse, le plus grand centre logistique en Europe. Ce nœud à la fois routier et ferroviaire veut devenir dans les années à venir le centre névralgique et la connexion indispensable entre les ports de Barcelone et Bilbao, afin d’alimenter Madrid et le Maghreb ; et une fois traversé les Pyrénées, Pau Bordeaux et le nord de l’Europe. Mais sans accès ferroviaire via le Somport ou par le tunnel du Vignemale, le projet est-il voué à l’échec ? Ce maillage territorial proposant le transport maritime, puis le transport sur rail sera peut-être la solution d’avenir pour une ré-ouverture de la gare de Canfranc. Reste à trouver 400 millions d’euros pour finir l’aménagement entre Bedous et la plus haute gare internationale d’Europe.
Pour en savoir plus
- rapport A65(2013) du conseiller régional Patrick du Fau de Lamothe
- rapport de la Cour des comptes sur l’autoroute ferroviaire
- décret 1992
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